Gardienne du Mouvement : Shérane Figaro

PRÉLUDE :

Je titube en apprenant avec Shérane à me laisser entrer dans mon corps. Expérience assez chaotique pour moi. Douloureuse et émotive aussi par moment. À l'intérieur (de moi), je me soumets à cette nouvelle maîtresse du mouvement qui se manifeste en cette professeure de danse haïtienne et contemporaine. Je ne la reconnais pas et je ne me reconnaissais pas moi non plus. Je manquais les séquences, mais je dansais encore.

J'étais en sécurité. Je dansais quand Shérane disait que d'ouvrir ses mains à l'abondance, c'est parfois aussi fermer certaines portes qui ne sont pas ou ne sont plus pour nous. De le faire avec paix, sans colère ni frustration. Je sentais mes larmes me monter aux yeux ;la dernière fois que j'avais mis les pieds dans cet espace de danse, c'était avec un quelqu’un avec qui j'avais beaucoup partagé. Shérane m'aidait à fermer la porte, enfin.

Je me brûlais dans cet espace où ma vulnérabilité pouvait m'habiter. La danse contemporaine m'avait toujours intéressé mais je ne savais pas comment l'approcher, et j'avais du mal à m'abandonner aux mouvements. Mouvements assez raides d'ailleurs... mais pendant un instant, ils sont toutes devenues des galaxies qui s'entrechoquent avec douceur pour se retrouver en harmonie. Ce fut un moment sublime.

Shéranepar MX.HRRY

Shérane

par MX.HRRY

MX.HRRY : Quelle est ta définition de la spiritualité?

SHERANE : Pour moi la spiritualité représente tout qui me connecte à l’univers. Je crois que la spiritualité donne accès à une dimension où l’âme se reconnaît et peut s’élever.

MX.HRRY : Quelle est sa place et son impact dans ta définition et ton interprétation du mouvement en danse haïtienne contemporaine?

SHERANE : La spiritualité est très présente dans mon interprétation en tant qu’artiste de la danse.

Je me réfère souvent à cet espace pour avoir une gestuelle libre et cohérente. Dans ma définition du mouvement en danse haïtienne contemporaine, je crois que le mouvement ne peut jamais être vide. Il faut l’habiter pour parler de notre temps et pour situer nos réalités par rapport au monde dans lequel nous vivons. Pour moi ces réalités s’inscrivent dans un cheminement qui est, consciemment ou pas, influencé par une quête vers quelque chose qui est plus grand que nous. Ma vision et ma démarche artistique ont emprunté ce chemin au fur et à mesure et je continue d’explorer les possibilités à travers mes travaux de créations.

MX.HRRY : Veux- tu nous parler un peu de ton parcours professionnel et surtout du moment où tu as décidé de te lancer dans cette carrière?

SHERANE : Mon parcours professionnel a commencé par l’apprentissage de la danse traditionnelle haïtienne. J’ai appris de Viviane Gauthier , dès l’âge de huit ans, les pas de différents rythmes haïtiens. J’ai aussi eu la chance de rencontrer Brusma Daphnis à Haïti Tchaka Danse. Ceci a été pour moi une vraie révélation par rapport à mon potentiel. J’ai beaucoup appris sur les pas de base et surtout comment connecter avec le tambour.

Après cette étape, j’ai immigré au Québec et j’ai toujours continué en interprétation avec différents groupes et dans différents événements à Montréal. Mais à partir de 2007, j’ai eu cet appel vers la transmission et j’ai commencé à enseigner à quelques groupes à Montréal. J’ai continué ainsi jusqu’en 2009 où j’ai pris la décision de fonder Aurée Danse-Création dans le but de transmettre et de créer. Pour moi ce n’est pas une carrière, c’est une façon de vivre, de rester alignée et de questionner ce qui m’entoure.

La danse pour moi est une clé qui me permet d’emprunter des chemins nécessaires.

MX.HRRY : Pourquoi voit-on peu d’hommes en danse haïtienne?

SHERANE : On voit beaucoup d’hommes en Haïti qui font de la danse haïtienne, ce qui est tout à fait le contraire à l’extérieur, notamment ici à Montréal. Je ne connais pas la raison exacte. Il y a beaucoup d’interrogations face à ce constat. Est-ce une réticence causée par une éducation reçue à la maison qui défavorise l’apprentissage de la danse haïtienne? Est-ce le poids de la religion qui démonise le vaudou haïtien? Est-ce le manque de modèles?

C’est surprenant en effet qu’il y ait si peu d’hommes en danse haïtienne alors que nous avons une communauté haïtienne très présente à Montréal.

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La danse pour moi est une clé qui me permet d’emprunter des chemins nécessaires.

SHERANE FIGARO